Ouvrages
- La banlieue de Paris : Un témoignage et une immersion dans la banlieue de l’époque de Blaise Cendrars, accompagné de photographies de Robert Doisneau.
… chaque fois je m’en retournais non pas déçu, mais amusé par cette mentalité typique de banlieusard, et je m’en revenais sur mes pas flânant, m’engageant dans des nouvelles sentes mal tracées à travers des jardinets qui descendaient jusqu’à la Bièvre […] Mais il m’arrivait aussi d’être séduit par une belle soirée de printemps et de ne pas rentrer à Paris, et, d’Arcueil, de pousser à pied jusqu’à Sceaux, longeant comme un rôdeur qui avait envie de les franchir les murs crêtés de tessons de bouteille dans lesquels se miraient les derniers rayons du soleil couchant, de propriétés, un peu plus tard dans la nuit chaude, débordantes de l’odeur des seringas et tous remuantes de l’émoi des rossignols dans la frondaison, et je me couchais sous un tilleul, fumant cigarette sur cigarette, devant une villa close…
- Les passagers du Roissy-Express En 1990, François Maspero effectue, accompagné d’une photographe, un voyage entre les terminus de la ligne B du RER. Dans son livre, il décrit les paysages traversés, notamment en banlieue sud.
Du train, on découvrait la vallée de la Bièvre où nous sommes : c’était un entremêlent de toits de tuiles mécaniques rouges, de jardins minuscules, de cheminées de tôle. Par beau temps, cela faisait un joli patchwork, riant et bigarré, surtout à la saison où les lilas succèdent aux forsythias. L’hiver c’était lugubre, parce qu’il stagnait sur la vallée une grisaille épaisse de brume et de suie. Les vitres du wagon, les arbres le long le long de la voie, les maisons qui fumaient, tout pleurait des larmes charbonneuses ; en face, le versant est resté longtemps dénudé, jusqu’aux contreforts de la redoute des Hautes Bruyères, puis sont venus les barres, les arbres, l’autoroute et cet hôpital dont la masse hippopotamesque a achevé de bouleverser toutes les proportions du paysage : même l’aqueduc en est presque devenu insignifiant.
- Les jeunes de banlieue mangent-ils des enfants ? Avec cet essai, Thomas Guénolé tord le cou aux idées reçues à propos des banlieues et dresse le portrait, beaucoup moins spectaculaire, de la réalité des « vrais » jeunes y vivant.
- Banlieue, banlieue, banlieue Ce livre d’Alain Berth questionne le discours adossé aux banlieues, qui constitue souvent un mode de catégorisation du social. Usant d’outils historiques et critiques, c’est autour de cet enjeu de territorialisation du social que l’auteur développe sa pensée et propose une autre vision de la banlieue.
- Voyage de classes Une étude sociologique portée par Nicolas Jounin et menée par des étudiants de Seine-Saint-Denis, qui se rendent dans les beaux quartiers de Paris pour se familiariser avec des coutumes qui leur sont étrangères. En 2016, l’ouvrage reçoit le prix lycéen du livre d’économie et de sciences sociales.
Pour dépasser les stéréotypes D’autres ouvrages tels que Les Gars de Villiers (Pascal Egré) ou encore Paroles de banlieue (Jean-Michel Décugis et Aziz Zemouri), donnent la parole aux habitants des quartiers. On y retrouve des jeunes ordinaires, animés par l’envie de réussir. Deux piliers se distinguent : le foot et la religion – les “deux ailes” d’un oiseau qui échappe à un quotidien précaire.
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Films
- La banlieue “pittoresque”
En 1931, l’Église catholique réalise un documentaire dénonçant l’absence de lieux de culte adaptés dans la banlieue parisienne. La banlieue rouge devient terre de mission pour l’Église. La même année, un second court-métrage sera réalisé. Il expose la construction d’églises et de locaux paroissiaux par des chômeurs bénévoles dans la proche banlieue, sous l’égide du cardinal Verdier. Les images des chantiers, des inaugurations et des enfants accueillis témoignent du caractère militant d’un tel projet.
Dans ces années-là, la banlieue au cinéma n’existe que par sa ressemblance à la campagne. Elle représente un espace pittoresque, un lieu de petits récits proches de ceux décrits par les impressionnistes. Ainsi, dans Partie de campagne, Jean Renoir reprend les motifs des peintures de Manet et met en scène un drame romantique et social. La banlieue est alors ramenée à son rôle de lieu de villégiature, un “sous-Paris” dédié aux besoins du centre. C’est plus tard que le cinéma s’est saisi des spécificités et des récits propres à la banlieue.
En 1945 paraît En attendant la ville de demain, une réalisation anonyme qui expose les baraquements provisoires où vivent encore de nombreuses familles, un an après la fin de la guerre. Dans le même temps, les chantiers de construction édifient les villes de demain.
- Un regard dur et tendre sur la banlieue
Entre 1950 et 1960, le cinéma change de regard sur les banlieues. À une vision insouciante et romantique, les représentants de la Nouvelle Vague (François Truffaut, Agnès Varda, Alain Resnais…) préféreront une approche plus contrastée des villes nouvelles, de leur expansion, des lotissements pavillonnaires et des grands ensembles.
Avec L’amour existe, Maurice Pialat propose une œuvre aux frontières du poème et du documentaire, décrivant une réalité de la vie banlieusarde, éloignée des centres-villes bourgeois.
Voici venu le temps des casernes civiles. Univers concentrationnaire payable à tempérament. Urbanisme pensé en termes de voirie. Matériaux pauvres dégradés avant la fin des travaux. Le paysage étant généralement ingrat. On va jusqu’à supprimer les fenêtres puisqu’il n’y a rien à voir. Les entrepreneurs entretiennent la nostalgie des travaux effectués pour le compte de l’organisation Todt. Parachèvement de la ségrégation des classes. Introduction de la ségrégation des âges : parents de même âge ayant le même nombre d’enfants du même âge. On ne choisit pas, on est choisi. Enfants sages comme des images que les éducateurs désirent. Jeux troubles dans les caves démesurées. Contraintes des jeux préfabriqués ou évasion ? Quels seront leurs souvenirs ? Le bonheur sera décidé dans les bureaux d’études. La ceinture rouge sera peinte en rose. Qui répète aujourd’hui du peuple français qu’il est indiscipliné. Toute une classe conditionnée de copropriétaires est prête à la relève. Classe qui fait les bonnes élections. Culture en toc dans construction en toc. De plus en plus, la publicité prévaut contre la réalité.
Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, Jean-Luc Godard dresse le portrait d’une crise familiale au sein d’un HLM et, à travers elle, celui d’une société qui reconfigure les rapports humains et les modes de consommation.
C’est en 1957 qu’est réalisé le film Paris et le désert français. Roger Leenhardt et Sydney Jezequel y évoquent les conséquences économiques de la centralisation parisienne et de l’activité industrielle française. Le film s’attarde sur deux villes : Gourdon, dans le Quercy, où le départ de la population défait le tissu social ; et Goussainville, cité dortoir du Val-d’Oise (95), qui ne dispose pas d’équipements appropriés pour faire face à l’afflux de travailleurs parisiens.
En 1959, le court-métrage Ma belle banlieue d’Andrée Sallé propose un portrait fantaisiste et décalé de la banlieue et de ses habitants : la zone, les habitations de fortune, les bords de Seine, les loisirs, les bistrots. On y vit, on y grandit, on s’y détend, en s’accommodant de peu.
- Entre comédie du quotidien et série noire
En 1970, Un malien d’Ivry, documentaire de Jean Mailland, dénonce les conditions de vie des immigrés africains dans les foyers vétustes de la vie d’Ivry-sur-Seine.
Trois ans plus tard, Elle court, elle court la banlieue présente de façon humoristique la vie effrénée des banlieusards dans la jungle des transports.
Dans le même temps, des films tels que Série Noire ou Le Thé au harem d’Archimède proposent des intrigues policiers qui anticipent l’arrivée d’un cinéma plus social.
- Révolte masculine dans les cités
La dégradation rapide des grands ensembles, l’insalubrité et la fuite des classes moyennes hors des cités révèlent certains problèmes dans les banlieues. Le cinéma accompagne le dépassement de la vision de la banlieue comme simple cadre de vie mais comme un véritable enjeu social. La Haine de Mathieu Kassovitz, réalisé en 1995, est l’un des premiers films à mettre en scène la colère des jeunes de banlieue. Exposant la violence du quotidien dans les grands ensembles, le film montre aussi la séparation entre la banlieue et la capitale, totalement étrangère aux protagonistes.
Dans De l’autre côté du périph’, Bertrand Tavernier filme durant 3 mois la vie des habitants de la cité des Grands Pêchers à Montreuil. Leurs témoignages permettent au réalisateur de mettre en lumière les questions de racisme, d’intégration et de délinquance.
- Des filles, des enfants, des lascars…
Le nouveau millénaire marque un changement dans la représentation des banlieues au cinéma. Les cinéastes s’intéressent plus aux différents habitants, le cadre se resserre sur la diversité des populations, on étudie leurs progressions, leurs accomplissements mais aussi ce à quoi ils se cognent. Dans L’esquive, l’accent est mis sur le quotidien des adolescents dans leur environnement scolaire tandis que Tout ce qui brille raconte la vie de jeunes femmes en quête d’une nouvelle vie à Paris.
La figure du lascar va, dans le film d’animation homonyme, donner à voir ces jeunes vivant comme un poisson dans l’eau au sein de leurs cités, mais qui peine à évoluer hors de son milieu.
Enfin, le long métrage Entre les murs s’empare de la ségrégation des jeunes issus des populations immigrés au sein d’une école du 20e arrondissement.
- Des banlieusards
Dans les années 2010, le cinéma s’intéresse davantage aux profils singuliers que l’on retrouve en banlieue : les jeunes en perte de repères dans La Désintégration et Bande de filles, une vieille dame vendeuse de cannabis dans Paulette, des élèves délaissés qui ne demandent finalement qu’à apprendre dans Les Grands Esprits, etc. Le cinéma se plaît aussi à raconter des parcours de réussite et d’ascension sociale, comme dans Le Brio ou Intouchables.
La banlieue fait également son apparition sur les plateformes de streaming tel que Netflix avec une réalisation du rappeur Kery James Les Banlieusards. Le film parle de trois frères issus de la banlieue parisienne empruntant des chemins de vie différents.
En 2019, Les Misérables raconte la relation entre banlieusards et policiers de la BAC. Ce film remporte 4 Césars ainsi qu’une nomination à l’Oscar du meilleur film international.
Chansons
Dans le domaine musical, la banlieue est une source d’inspiration pour des artistes venus d’horizons musicaux très différents. De la variété française au hip-hop, tous se sont emparés de ce territoire pour en dépeindre le paysage et en raconter les conditions de vie.
- En 1937, l’artiste Réda Caire chante Ma banlieue, qu’elle présente comme un lieu de villégiature pour s’évader de la capitale :
Quand on vit dans la capitale
On a besoin de changer d’air
Et vers la campagne on détale
Par la douceur d’un matin clair
On voudrait bien aller à Nice
Hélas on n’a pas les moyens
Mais la banlieue a ses délices
C’est moins chic mais c’est aussi bien.
- En 1977, Jacques Brel compose et interprète Orly, une chanson racontant la séparation d’un couple à l’aéroport :
Ils sont plus de deux mille et je ne vois qu’eux deux
Je crois qu’ils sont en train de ne rien se promettre.
- En 1982, Renaud interprète Banlieue Rouge, texte qui évoque les avantages et inconvénients de la vie quotidienne en banlieue :
Elle crèche cité Lénine
Une banlieue ordinaire
Deux pièces et la cuisine
Canapé frigidaire
Préférerait habiter
Cité Mireille Mathieu
- En 1983, Karim Kacel chante Banlieue, un titre qui s’inquiète du sort de la jeunesse banlieusarde :
Hé banlieue, empêche-les de vieillir
Leur jeunesse se tire, banlieue
Hé banlieue, ta grisaille ne m’inspire
Que l’envie de partir, banlieue
Hé banlieue, ne les laisse pas tomber
Ils ont droit d’exister eux aussi
Banlieue… oh oh… banlieue.
- Dans les années 90, les rappeurs de la Mafia K’1 Fry (Kery James, 113, Rohff) s’imposent dans le Val-de-Marne. De son côté, Booba se proclame duc de Boulogne et NTM (Joeystarr et Kool Shen) deviennent des artistes phares de la Seine-Saint-Denis. Tous revendiquent un sentiment d’appartenance aux territoires de la banlieue et entendent raconter la réalité vécue par leurs pairs : racisme, discriminations, pauvretés, etc.
- En 2007, c’est Charles Aznavour qui, dans son titre Moi je vis en banlieue, raconte la vie de la population immigrée :
Moi je vis en banlieue depuis ma prime enfance
J’ai fréquenté la rue et fait le coup de poing
Avant que, pour mon cœur, un jour tourne la chance
Et que l’amour m’accroche au détour du chemin.
- En 2019, Alain Souchon interprète Ici et là. Il y présente le périphérique qui sépare la banlieue et Paris comme une frontière difficile à franchir :
Le regard que nous portons sur ce hasard
Ces 40 mètres de goudron qui nous séparent
Tu sautes le périph’, hop allez
I shot the sheriff
Ici et là, ici et là